Histoire de chasse: Matinal...

Matinal…

 

            Au début de l’été, mon réveil sonne à trois heures et demi du matin. Je me lève toute excitée, réveille mon père et descends. Il faisait encore frais, mais la journée promettait d’être identique à celle d’hier : très chaude. C’était une matinée particulière pour moi puisque j’allais connaître mon premier affût du matin : un ami de mon père nous avait invité à la chasse ! Après nous être habillés, nous avalons un rapide petit déjeuner, puis en voiture. Mais que d’émotions avant même d’être en action de chasse ! En effet, au milieu de la route, les phares de la voiture avaient dévoilé un renardeau en train de manger la carcasse d’un animal écrasé.

             A quatre heures et quart, alors qu’il faisait encore nuit noire, nous montions au mirador. Nous nous installions sur le mirador en même temps que l’alouette lançait sa première trille. Que c’était beau ! La nature encore endormie venait de faire son premier mouvement ! Peu à peu, au fil des secondes, d’autres oiseaux se joignirent à l’alouette pour ne former plus qu’une unique chorale célébrant une aube naissante. J’aimais un son en particulier : le chant de la caille des blés ; peut être que mon oreille était plus sensible à son « tui, tui, tui ! Tui, tui, tui ! » et à son grommellement de cochon final…

            Maintenant l’aurore dorée pointait son nez rond et avait jeté bas le masque sombre de la nuit. Nous découvrions que nous étions baigné de cette lumière au milieu d’un vallon et que la nature déployait des champs de maïs sur notre gauche et à 100 mètres devant nous. Un chemin goudronné semblait raccordé au bout de l’horizon : c’était la seule limite entre deux champs. Le maïs devant nous ne devait pas être très large (environs 30 mètres) car nous pouvions voir derrière lui une prairie avec des balles de foin. De l’autre côté de la route se trouvait un verger. A notre droite nous pouvions contempler une prairie dont les machines agricoles s’étaient occupées, en plus d’un autre chemin (en terre cette fois). Il était décoré de part et d’autre d’herbes folles et rejoignait le premier chemin décrit le reliant à celui que nous avions emprunté pour venir. Derrière nous et après le chemin, une grande prairie étalait sa couleur verte, malheureusement elle était sectionnée en parc dont le plus grand d’entre eux tenait lieu de garde manger à un troupeau de charolaises… Le jour maintenant mettait sa petite touche de couleur dans ce sublime tableau naturel et notre premier visiteur arriva. Maître goupil s’avançait hors du champ de maïs devant nous et alla muloter plus loin dans la prairie, pour finalement disparaître dans les hautes herbes. Dix minutes plus tard nous entendîmes un coup de feu non loin de là…             C’est alors que je distingue nettement au bout de l’horizon une compagnie de sanglier défilant entre les balles de foin ! Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, mais mon père n’eut pas le temps de les voir. Il me dit de prendre le fusil, de me préparer et d’attendre. Soudain une laie arrive avec ses marcassins sur notre gauche, elle rentre dans le champ de maïs. Bien que les végétaux ne soient pas très hauts, ils suffisaient à cacher les bêtes noires. Nous pensions qu’ils allaient traverser le champ, mais voilà qu’elle fait demi tour et rebrousse chemin… Dommage il aurait été intéressant de prélever un marcassin comme premier sanglier. La déception n’eut pas le temps de m’envahir puisque, d’instinct, je me retourne et aperçoit quatre autres sangliers bien noir (ou plutôt gris, en raison de leur pelage d’été) courir dans l’immense plaine derrière nous et disparaître plus loin dans des buissons. Qu’ils étaient splendides ! Cette fois encore mon père n’eut pas la chance de les découvrir.

            La malchance allait encore le frapper puisque cinq minutes plus tard, je vois deux nouveaux sangliers sauter au dessus de la petite route pour passer du verger au champ de maïs devant nous.  La drôle d’émotion resurgit, ce sentiment qui vous va droit au cœur et qui vous le serre ; cet effet qui vous fait claquer des dents alors qu’il fait chaud alentour ; ce mélange d’excitation, de désir de possession, de peur de blesser et de pitié envers un être vivant qui finalement ne vous a rien fait de mal à titre personnel… Oui, je la reconnaîs, cette maladie temporaire et étrange : la fièvre de la chasse ! Je dis à mon père ce que j’avais vu et il me donna pour consigne de reprendre l’arme et de me préparer à nouveau. Heureusement que je pouvais, grâce au tir à la carabine (que je pratiquais depuis l’âge de neuf ans), me concentrer et surtout de retrouver rapidement mon calme. C’est à ce moment qu’une dernière compagnie de sangliers débouche du champ de maïs devant nous vers la droite, puis traverse la prairie nue. Un, deux, trois, quatre,…, quinze sangliers défilent, j’espère qu’ils s’arrêteront ! Zut, ils se dirigent vers les hautes herbes… Tiens voilà qu’ils s’arrêtent, on ne voie plus que le dernier : un keiler (sangler mâle dans notre jargon cynégétique) d’une quarantaine de kilos ! Je pose alors l’arme sur le bord du mirador ; et mince ! il est un peu trop grand ce mirador : le bord est trop loin par rapport au banc… ! Je me met alors à demi debout pour pouvoir viser ; où puis-je prendre mon troisième appui ? J’essaye tant bien que mal de me caler puis je vise au cœur et tire ! Le coup de feu retentit. La laie meneuse fait demi-tour, emmenant ainsi toute la compagnie derrière elle, pour disparaître dans le champ de maïs.

            Après un quart d’heure d’attente, vers sept heures et demie, notre compagnon de chasse arrive et nous descendons du mirador pour vérifier cent cinquante mètres plus loin que l’animal n’était pas blessé. Heureusement non, ceci soulagea mon inquiétude. Nous repartons de ce magnifique endroit, dans une excellente ambiance, prêt à affronter cette chaude journée. Pour ma part je n’oublierai jamais cette superbe matinée et cette trentaine de sangliers aperçus, même si elle aurait pu être couronnée d’une première capture.



07/12/2007
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