Emotions d'une jeune chasseuse

« Je vous attendrai au stade forestier à 18 heures 30 » telle fut la consigne de mon parrain de chasse, le 19 avril 2008 en début d’après-midi. Ravie d’avoir l’occasion de sortir un peu de la maison j’attendais impatiemment 17 heures 45, heure du départ pour le territoire de chasse en Alsace. Le temps était avec nous : malgré qu’il ait plu toute la journée, le soleil illuminait en soirée les jeunes feuilles ainsi que les magnifiques fleurs des arbres ; les températures étaient un peu fraîches, mais l’odeur particulière du printemps emplissait l’air.

Mon parrain de chasse nous indiqua un mirador près d’un agrainoir. Sur le chemin qui nous menait au mirador, nous aperçûmes une trace de cerf témoignant que l’animal devait être passé dans l’après-midi. Une fois installé sur le mirador, j’en profitais pour prendre plusieurs grandes bouffées d’air frais en même temps que j’observais les possibilités de tir ainsi que la direction du vent. Cette dernière ne nous semblait malheureusement pas favorable. En effet à notre droite se trouvait une immense régénération que j’ai pu explorer sous la pluie pendant la saison des battues. Il y avait plus de probabilité que les sangliers soient baugés là dedans qu’ailleurs. Devant nous, à 50 mètres environs se trouvait l’agrainoir puis, autour, un dense roncier, mais pas très large. Il se prolongeait sur notre gauche, tout aussi dense, cependant plus épais cette fois-ci. Même du haut de notre mirador nous ne pouvions découvrir les secrets qui s’y trouvaient. Derrière cette masse végétale commençait la « haute forêt ».

Mon père m’indiqua alors que si les sangliers venaient de la droite, je devais tirer avant qu’ils n’arrivent dans la « zone des effluves ». Je me disais que c’était plus facile à dire qu’à faire et priait pour qu’une telle situation n’arrive pas ! Pendant ce temps, les geais faisaient un vacarme de tous les diables plus loin dans la régénération et un chevreuil aboya… J’étais toute ouïe et tournais régulièrement la tête pour apercevoir une éventuelle masse noire.

Quelques passereaux ainsi que des pigeons ramiers s’étaient invités à picorer des grains de maïs avant qu’un jeune brocard, petit six, ne vienne les déranger. Le vent avait tourné puisque l’animal était arrivé légèrement dans notre dos à droite. Même les animaux respectent le dicton « en avril ne te découvre pas d’un fil ». En effet, l’animal était encore en pelage d’hivers passa calmement à 20 mètres du mirador devant mes yeux émerveillés. Nous pûmes admirer l’animal, il croqua quelques grains de maïs avant de s’enfoncer dans les profondeurs de la forêt en trottinant.

Cinq minutes plus tard mon père me signale qu’il y a un sanglier sur notre gauche. Je regarde, mais ne voit rien. D’un coup nous voyons un chevreuil s’enfuir sans donner l’alerte. Le mystère demeure entier. Qu’est-ce qui a bien pu effrayer ce chevreuil ? Un de ses congénères ? Ou bien une bête noire ? Nos deux paires d’yeux surveillaient attentivement l’endroit pendant plusieurs minutes. Mon père me précisa ensuite qu’il était sur d’avoir vu l’échine d’un sanglier.

Le calme était revenu et mon père en profita pour faire une de ses blagues dont lui seul possède le secret…

« Pour tuer un sanglier avec tes propres armes il faut que tu manges beaucoup de billes ! », rapport à des ballonnements …

Bien évidemment il s’ensuivit une série de rires étouffés. Je dû me retenir pour ne pas plus éclater de rire… Je replongeais dans ma lecture en même temps que je me mordais les lèvres pour ne pas éclater de rire à nouveau. Je pris une bouffée d’air pour me calmer.

Vers 20 heures 40, nous voyons encore clair malgré que le soleil rasant ait depuis longtemps fini de nous éblouir. Alors que je surveillais les environs, je vis un sanglier de 25-30 kilos arriver en trottinant de la régénération puis s’arrêter en plein travers à une centaine de mètres derrière le roncier. Mes jambes se mirent toutes seules à trembler et je sentis la fièvre de la chasse m’envahir. Mon père me dit que si je le voulais, je pouvais tirer. Je lui fis signe que non car j’hésitais un peu. De plus un instant plus tard le sanglier recommença à avancer et disparut ainsi de notre champ de vision. Un second sanglier du même calibre que le premier suivait son congénère, mais ne s’arrêta pas. Nous scrutâmes  quelques instants les environs pour voir si d’autres sangliers ne se trouvaient pas derrière les deux sangliers. La réponse fut non. Nous étions déjà très contents d’avoir pu voir des sangliers.

La tension n’était pas retombée depuis longtemps que les sangliers après avoir fait une boucle, venaient de pointer leur boutoir au sortir du roncier à gauche de l’agrainoir. Nous ne les avions ni vu ni entendu dans le roncier. Je ne pris même pas la peine de le signaler à mon père et saisi le drilling se trouvant à mes côtés. Mon cœur s’accéléra et mes jambes voulurent à nouveau jouer des castagnettes. Je me calais en posant la main qui tenait le drilling (gauche) sur le bord de la fenêtre du mirador, mon coude gauche ainsi que le droit sur le rebord de la fenêtre. J’attendis que le premier sanglier soit complètement sorti du roncier pour mettre le stécher. Je suivi ensuite l’animal dans la lunette tout en reprenant mon souffle, mon père m’entendais respirer comme si j’avais couru un marathon. Non pas maintenant, il est de trois quart arrière… Saleté d’arbre… Maintenant, il est de travers, mais le défaut de l’épaule est pratiquement caché par le pied de l’agrainoir. Je tire, je ne tire pas ? Stop, je ne tire pas… Tir hasardeux est égal à un tir dangereux ! J’aurai pu ! Maintenant, c’est sur je ne tire plus !

Ah ! Regardons l’autre, il est de travers ! Non… Il rejoint l’autre. Non… ! Un tué, un blessé : c’est tabou ! Trois quart avant… De face… Il marche maintenant de travers. Arrêtes toi !! Non… Trois quart arrière. Non ça ne me dit rien du tout…

Cette situation dura bien 5 minutes : je n’avais pas laissé l’impatience prendre le dessus sur ma concentration, mais je pensais un peu à mon père qui devait se demander pourquoi je ne tirai pas. Enfin mon choix se porta sur l’un des sangliers. Il se trouvait derrière l’agrainoir, mais puisque le matériel se trouvait en hauteur, l’animal était visible dans sa totalité (depuis le mirador nous aurions pu penser que la bête noire se trouvait en dessous de l’agrainoir). Ma croix se situait à présent au défaut de l’épaule de l’animal, en plein milieu de la bête ; et bien calée, j’espérais que ma proie ne bouge pas en même temps que mon index caressait la queue de détente. La lumière qui sorti du canon me surpris alors que le coup de feu retentissait.

Instantanément, les sangliers détalèrent. Celui, visé à droite, l’autre à gauche. Celui de droite s’enfonça dans le roncier, mais nous ne le vîmes pas sortir. Il fut décidé d’attendre le temps de « la cigarette » d’usage… A la fois pour nous calmer, mais aussi pour laisser le temps au sanglier d’expirer.

La nuit était à présent tombée et la lampe de poche allumée nous nous rendons à l’anschuss. Nous y trouverons du sang de poumon. Confiants nous suivions la chienne, mon père la conduisait, à travers le roncier où mon père trouvait du sang. La chienne était bien créancée sur la piste et nous mena 60 mètres plus loin auprès du sanglier mort. Mon père, fier de sa fifille me félicita chaleureusement.

Mon parrain de chasse arriva un quart d’heure plus tard, très content il me félicita également. Une fois le sanglier chargée dans sa voiture, il alla chercher un ami chasseur qui avait tiré lui aussi un sanglier. C’était un ragot de 60 kilos environs déjà relativement bien armé.

Je remercie énormément mon parrain de chasse pour toutes les émotions  ressenties  à travers le tir de cette jeune laie. Mon deuxième « cochon » !



08/05/2008
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